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Les visites douanières déclarées inconstitutionnelles par une décision des Sages de la rue de Montpensier : Monsieur le douanier, tout ne vous est pas permis !

Le 25 octobre 2022
Les visites douanières déclarées inconstitutionnelles par une décision des Sages de la rue de Montpensier : Monsieur le douanier, tout ne vous est pas permis !
Fini le droit de visite général et discrétionnaire reconnu aux douaniers par l'article 60 du Code des douanes. Désormais, les circonstances d'exercice de cette prérogative doivent être précisées. Le Conseil constitutionnel remet bon ordre !

Le Conseil constitutionnel, garant des libertés individuelles, a censuré l'article 60 du Code des douanes, terrible instrument qui reconnaît aux douaniers (ces fameux gabelous de l'Ancien Régime) un droit de visite général des marchandises, moyens de transports et personnes pour la recherche des fraudes douanières (qu'il s'agisse d'une contravention ou d'un délit).

Terrible instrument car il accordait aux agents des douanes des pouvoirs de contrôle exorbitants, foncièrement attentatoires aux libertés individuelles (au premier rang de laquelle la liberté individuelle d'aller et venir), de nature à créer la convoitise des OPJ, APJ et APJA de la gendarmerie et de la police nationale.

En effet, alors que ceux-ci ne peuvent intervenir que dans le cadre strict des dispositions du Code de procédure pénale, qui soumettent à des conditions contraignantes la possibilité de réaliser des contrôles d'identité ou de procéder à des visites de véhicules, des visites domiciliaires, des contrôles dans les lieux à usage professionnel ou des perquisitions, les douaniers étaient affranchis de toutes ces contraintes.

Ils pouvaient contrôler qui ils souhaitaient, quand il le souhaitait, n'importe quelle marchandise ou véhicule car tel était leur bon plaisir.

Ce qui, c'est une évidence, limitait considérablement la marge de manoeuvre des avocats de la défense pour contester la régularité de la procédure diligentée suite à ces contrôles (en soulevant une exception de nullité, in limine litis va sans dire).

Or, obtenir l'annulation de la visite douanière initiale, c'est obtenir la nullité de tous les actes subséquents qui ont trouvé leur support nécessaire dans cet acte irrégulier.

Bref, c'est faire annuler toute la procédure : l'effet blast est dévastateur...

La jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation avait bien apporté quelques limites à ce droit de visite général.

Ainsi, elle ne manquait pas de sanctionner les détournements de procédure : les pouvoirs d'investigation reconnus aux agents des douanes en application de l'article 60 du Code des douanes ne peuvent être exercés que dans les conditions et dans les limites (bien peu contraignantes) fixées par l'article 60, sans qu'il soit permis aux douaniers de mettre en oeuvre des pouvoirs que la loi ne leur reconnaît pas.

En d'autres termes, et schématiquement, les douaniers sont là pour rechercher et établir des fraudes douanières. Ils ne sont pas là pour rechercher des infractions de droit commun.

Dans sa décision n°2022-1010 QPC, le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, estime que ces limites fixées par la jurisprudence de la Cour de cassation sont insuffisantes.

Pour le Conseil constitutionnel, les prérogatives accordées aux agents des douanes ne permettent pas une conciliation équilibrée entre, d'une part, la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, la liberté d'aller et venir et le droit au respect de la vie privée.

Il incombera désormais aux agents douaniers de préciser les circonstances qui leur permettent d'exercer le droit de visite douanier. Il ne sera plus général et discrétionnaire mais devra être motivé en fait et en droit. En quels lieux les visites douanières seront opérées ? Pour quelle durée ? Existe-t-il des raisons plausibles de soupçonner la commission d'une fraude douanière ?

Il s'agit de supprimer tout risque d'arbitraire dans les procédures douanières et de s'assurer, par un contrôle a posteriori, qu'une nullité n'entache pas la mise en oeuvre du droit de visite douanier.

Voilà une très bonne chose qui, mutatis mutandis, place les douaniers sur un pied d'égalité avec les enquêteurs de la gendarmerie ou de la police nationale.

Toutefois, pour que cette déclaration d'inconstitutionnalité ne fragilise pas de façon excessive les procédures en cours ou d'ores et déjà clôturées, la date d'abrogation de l'article 60 du Code des douanes, dans sa version actuelle, est reportée au 1er septembre 2013.

Par ailleurs, il n'est pas possible de se prévaloir de cette inconstitutionnalité pour contester les mesures prises avant la publication de la décision 22 septembre 2022, soit avant le 23 septembre 2022.

Bref, l'article 60 du Code des douanes reste en vigueur jusqu'au 1er septembre 2013 mais l'inconstitutionnalité des mesures prises sur le fondement de ce texte après le 23 septembre 2022 peut être soulevée devant le juge pénal (ou le juge administratif, d'ailleurs).

On a connu plus simple...

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