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Travail dissimulé : qu'est-ce qui est considéré comme du travail dissimulé, comment est-il prouvé et quelles sont les sanctions encourues ?

Le 25 novembre 2024
Travail dissimulé : qu'est-ce qui est considéré comme du travail dissimulé, comment est-il prouvé et quelles sont les sanctions encourues ?
Le délit de travail dissimulé est régulièrement poursuivi et sanctionné devant les tribunaux correctionnels. Qu'est-ce que le travail dissimulé ? Comment est-il prouvé ? Quelles sont les sanctions encourues ?

Le travail dissimulé peut prendre deux formes, par dissimulation d'activité ou par dissimulation de salarié

Parfois nommé travail illégal, travail clandestin ou travail au black, le travail dissimulé prend principalement deux formes qui constituent deux infractions distinctes.

La première est le travail dissimulé par dissimulation d'activité.

La seconde est le travail dissimulé par dissimulation de salarié.

Le travail dissimulé par dissimulation d'activité

Le défaut d'immatriculation au RCS des personnes ayant la qualité de commerçant

Le refus d'immatriculation au RCS ou le fait de continuer d'exercer une activité en qualité de commerçant constitue également le délit de travail dissimulé.

Cette demande d'immatriculation est présentée au greffe du tribunal de commerce (qui pourra ensuite délivrer un extrait Kbis).

L'inscription au RCS est obligatoire pour les personnes physiques qui ont la qualité de commerçant, c'est-à-dire ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle, et les agents commerciaux (qui exercent en qualité de mandataires indépendant, non liés par un contrat de travail : l'immatriculation s'opère sur un registre spécial).

L'inscription au RCS est également obligatoire pour les sociétés commerciales (listée à l'article L. 123-1 du Code de commerce).

Elle s'impose également à une société étrangère immatriculée dans un pays étranger lorsqu'elle ouvre un établissement dans un département français (y compris lorsque cette société a son siège dans un autre Etat membre de l'Union européenne).

Cette formalité obligatoire doit être accomplie dans les délais règlementaires (à peine de poursuites pénales ou de se le voir enjoindre par le juge commis à la surveillance du RCS) :

- Pour les personnes physiques, dans le délai d'un mois qui précède la date déclarée de début d'activité commerciale et, au plus tard, dans un délai de quinze jour à compter de cette date déclarée (un établissement secondaire doit être immatriculé dans ce même délai d'un mois) ;

- Pour les personnes morales, elle doit être demandée sitôt accomplies les formalités de constitution de la société et dans les 15 jours de l'ouverture du siège.

Le refus d'immatriculation au RCS ou le fait de continuer d'exercer une activité en qualité de commerçant après radiation constitue également le délit de travail dissimulé.

Le défaut d'immatriculation au répertoire des métiers pu des entreprises

Les personnes physiques, et les personnes morales employant moins de 10 salariés, doivent être immatriculées au répertoire des métiers ou des entreprises (RM) lorsqu'elles exercent à titre principal ou secondaire une activité professionnelle indépendante relevant de l'artisanat (dont les liste est énoncée par un texte réglementaire).

Le conjoint collaborateur fait l'objet d'une mention au répertoire des métiers à la demande du chef d'entreprise s'il collabore effectivement.

La demande d'inscription est en principe présentée à la Chambre des métiers et de l'artisanat dans le mois qui précède le début de l'activité.

Une attestation d'immatriculation sera délivrée : elle sera renouvelée chaque année et restituée en cas de radiation.

Le défaut d'inscription au répertoire des métiers caractérise le délit de travail dissimulé si l'activité n'est pas immatriculée par ailleurs au registre du commerce (dans le cas contraire, les faits sont passibles d'une peine d'amende).

Le refus d'immatriculation au RM ou le fait de continuer d'exercer une activité après radiation constitue également le délit de travail dissimulé.

Les déclarations aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale

Le défaut de déclaration aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale constitue encore le délit de travail dissimulé.

Toute entreprise a l'obligation de déclarer sa création, sa modification ou sa cessation d'activité auprès de différents organismes publics.

Cette déclaration commune se fait par le biais du "guichet unique" au Centre de formalité des entreprises (CFE) compétent (selon le type d'activité exercée : commerçante, artisanale , libérale ou agricole).

S'il est intentionnel, le défaut de déclaration caractérise le délit de travail dissimulé.

A défaut, il est seulement sanctionné par une contravention.

Doivent ainsi être déclarés la TVA, l'impôt sur les sociétés (IS) pour les personnes morales qui y sont soumises ou l'impôt sur les revenus (IR) pour les entreprises individuelles.

Les "ambulants sans domicile fixe" (les forains), qui n'ont pas de domicile fixe depuis plus de 6 mois et qui exercent une activité lucrative doivent se faire connaître à l'administration fiscale et déposer une somme en garantie du recouvrement des impôts.

Il leur est alors délivré un récépissé de consignation valable trois mois qui doit être produit à toute réquisition des officiers et agents de police judiciaire et agents de la répression des fraudes (Articles 302 octies et 111 septdecies du Code général des impôts et L. 225 du Livre des procédures fiscales).

Cette formalité ne dispense pas pour autant des autres déclarations au RCS ou au RM ni des autres déclarations sociales et fiscales.

Comment prouver le travail dissimulé ?

En matière pénale, la preuve est libre (sous réserve, particulièrement, de respecter le principe de loyauté des preuves, du moins pour les autorités publiques).

La recherche de la preuve des infractions de travail dissimulé peut aussi être opérée par des moyens spécifiques.

Les réquisitions de contrôle d'établissement (Article 78-2-1  du Code de procédure pénale)

Pour la recherche des infractions de travail dissimulé, de recours au travail dissimulé, de publicité en faveur du travail dissimulé, d'emploi d'étranger non autorisé à travailler ou dont l'emploi est non conforme au document l'autorisant à travailler, le procureur de la République peut, par réquisition écrite valable un mois, habiliter les enquêteurs (OPJ et, sous leur ordre et leur responsabilité, APJ et APJA) à entrer dans les lieux à usage professionnel qu'il désigne, ainsi que dans leurs annexes et dépendances, ou sont en cours des activités professionnelles, sauf s'ils constituent un domicile.

Il s'agit d'un régime dérogatoire à celui applicable aux contrôles d'identité qui requièrent, notamment, que soit préalablement soupçonnée la commission d'une infraction.

Les enquêteurs peuvent alors s'assurer du respect des obligations déclaratives et relever l'identité des personnes qui s'affairent mais, dans le seul but de s'assurer qu'elles sont déclarées.

La réquisition doit être présentée à la personne disposant des lieux et les mesures prises sont consignées sur un procès-verbal qui doit être remis à l'intéressé.

Le droit de communication entre les services de contrôle et de recouvrement

Le Code du travail autorise les agents publics qu'il liste (Article L. 8271-7) à se communiquer réciproquement tous renseignements et documents nécessaires à l'accomplissement de mission de lutte contre le travail illégal.

Cela concerne les agents des impôts, les enquêteurs de la police ou de la gendarmerie, les agents des douanes, les agents agrémentés et assermentés des organismes sociaux (CPAM et MSA), les inspecteurs et contrôleurs du travail, etc.

Ces mêmes agents communiquent les procès-verbaux qu'ils dressent aux organismes chargés du recouvrement des cotisations et contributions sociales éludées qui procèdent à leur recouvrement sur la base des renseignements qu'ils contiennent.

Quelles sont les sanctions encourues pour le travail dissimulé ?

Les sanctions pénales (judiciaires)

Sauf lorsque la loi l'énonce expressément, le travail dissimulé constitue un délit.

Au terme de l'enquête diligentée par les policiers ou les gendarmes avec, dans la plupart des cas, le concours d'inspecteurs ou contrôleurs du travail, cette infraction est donc jugée par le tribunal correctionnel.

Dans les cas les plus graves ou les plus complexes, un juge d'instruction peut préalablement être saisi par le procureur de la République.

Si les conditions légales sont réunies, la personne mise en cause sera mise en examen.

Elle peut être placée en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire (voire assignée à résidence avec un bracelet électronique).

Les sanctions applicables aux personnes physiques

La peine principale encourue pour le délit de travail dissimulé est de 3 ans d'emprisonnement et 45.000 € d'amende (Articles L. 8224-1 et L. 8224-2 du Code du travail).

Elle est toutefois plus sévère en cas de circonstance aggravante.

Ainsi, cette peine peut être portée à 5 ans d'emprisonnement et 75.000 € d'amende lorsque l'emploi dissimulé a concerné : 

- Un mineur soumis à obligation scolaire ;

- Plusieurs personnes ;

- Une personne dont la vulnérabilité ou l'état de dépendance était connue de son auteur.

La peine peut même être portée à 10 ans d'emprisonnement et 100.000 € d'amende lorsque les faits ont été commis en bande organisée.

A ces peines principales s'ajoutent des peines complémentaires que le tribunal est libre de prononcer (ou non), à savoir :

- L'interdiction, définitive ou pour une durée inférieure ou égale à 5 ans, d'exercer l'activité professionnelle ou sociales en relation avec l'infraction (ou la fonction publique)

- L'interdiction, pour une durée inférieure ou égale à 15 ans, d'exercer une profession commerciale ou industrielle ou de gérer une société, directement ou indirectement, pour son propre compte ou le compte d'autrui ;

- L'exclusion, pour une durée inférieure ou égale à 5 ans, des marchés publics ;

- La confiscation (réelle ou par équivalence, en valeur) des biens instruments ou produits de l'infraction ;

- L'affichage ou la diffusion de la décision, pour une durée inférieure ou égale à 2 ans, aux frais du condamné, sous peine d'amende ;

- L'interdiction des droits civiques, civils et de famille pour une durée inférieure ou égale à 5 ans (vote, éligibilité, fonction juridictionnelle, expert, témoin, curateur, tuteur) ;

- L'interdiction du territoire français pour l'auteur étranger, définitive ou pour une durée inférieure ou égale à 5 ans.

Les sanctions applicables aux personnes physiques

La peine principale encourue pour le délit de travail dissimulé est de 225.000 € d'amende (Article L. 8224-5 du Code du travail).

Comme pour les personnes physiques, et selon les mêmes distinctions, elle est toutefois plus lourde en cas de circonstance aggravante.

Dans les trois premiers cas, la peine est portée à 375.00 €.

Dans le dernier cas, elle est portée à 500.000 €.

ces peines principales s'ajoutent des peines complémentaires que le tribunal est libre de prononcer (ou non), à savoir :

- La dissolution (sauf pour les personnes morales de droit public, partis politiques, groupements politiques, syndicats, institutions représentatives du personnel) si la personne morale a été créée pour commettre l'infraction ;

- L'interdiction, définitive ou pour une durée inférieure ou égale à 5 ans, d'exercer une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales en relation avec l'infraction ;

- La surveillance judiciaire, pour une durée inférieure ou égale à 5 ans (sauf pour les personnes morales de droit public, partis politiques, groupements politiques, syndicats) ;

- La fermeture, définitive ou pour une durée inférieure ou égale à 5 ans, d'un ou plusieurs établissements en relation avec l'infraction ;

- L'exclusion, définitive ou pour une durée inférieure ou égale à 5 ans, des marchés publics ;

- La confiscation (réelle ou par équivalence, en valeur) des biens instruments ou produits de l'infraction ;

- L'affichage ou la diffusion de la décision, pour une durée inférieure ou égale à 2 ans, aux frais du condamné, sous peine d'amende.

Les sanctions administratives

Nonobstant les sanctions judiciaires, l'auteur de l'infraction encourt également des sanctions administratives.

Le préfet, auquel sont transmis les procès-verbaux constatant les infractions de travail dissimulé, de marchandage ou de prêt illicite de main-d'oeuvre ou d'emploi d'étranger non autorisé à travailler, peut décider, en fonction de la gravité des faits constatés :

- Refuser d'accorder, pendant une durée de 5 ans, certaines des aides publiques en matière d'emploi, de formation et de culture, et demander le remboursement de ces aides des 12 derniers mois ;

- Ordonner la fermeture de l'établissement pour une durée inférieure ou égale à 3 ans, cette fermeture pouvant s'accompagner de la saisie à titre conservatoire du matériel professionnel ;

- Ordonner l'exclusion des marchés publics pour une durée inférieure ou égale à 6 mois.

Ces sanctions administratives sont levées de plein droit en cas de décision de classement sans suite, de relaxe ou de non-lieu ou si le tribunal ne prononce pas la sanction dans son jugement.

Le fait de ne pas respecter ces sanctions administratives est puni de 2 mois d'emprisonnement et de 3.750 € d'amende.

Par ailleurs, les organismes 

Le travail dissimulé : une infraction prédominante parmi celles prévues par le Code du travail

Le travail dissimulé s'inscrit dans le cadre plus large des infractions prévues par le Code du travail :

- Obstacle aux fonctions d'inspecteur, de contrôleur du travail ou d'un agent de contrôle de la législation sociale ;

- Entrave au fonctionnement du comité d'entreprise (comité social et économique - CSE) ;

- Entrave à l'exercice du droit syndical ;

- Publicité favorisant le travail dissimulé ;

- Fourniture d'une identification mensongère lors d'une offre ou d'une annonce ;

- Emploi d'étranger sans autorisation de travail ou non conforme à cette autorisation ;

- Marchandage et prêt illicite de main d'oeuvre ;

- Accident du travail ;

- Etc.

Qu'il s'agisse de se constituer partie civile ou de se défendre, il est indispensable de parfaitement maîtriser le fond et la procédure applicable à ce contentieux.

Ce que seul un avocat pénaliste est en capacité de faire.

Maître Xavier MOROZ, Avocat au Barreau de Lyon, titulaire du certificat de spécialisation en droit pénal, qualification spécifique en droit pénal des affaires, vous assiste et vous conseille.

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