Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Droit pénal > Coronavirus : quelles vont être les incidences pénales des décisions du Gouvernement pour juguler la pandémie ?

Coronavirus : quelles vont être les incidences pénales des décisions du Gouvernement pour juguler la pandémie ?

Le 17 mars 2020
Coronavirus : quelles vont être les incidences pénales des décisions du Gouvernement pour juguler la pandémie ?
A circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles. Le regard du pénaliste sur le Coronavirus. Quid des amendes annoncées par le Gouvernement pour ceux qui ne respecteraient pas les mesures de confinement ?

Jupiter, qui trônait sur son Olympe, a connu un léger déclassement. Il est désormais Mars. C'est du moins ce qu'il fallait comprendre du discours prononcé par le Président de la République, le 16 mars 2020. "Nous sommes en guerre". Voilà ce que notre Président martial a répété, usant d'une anaphore, figure de style décidément en vogue chez les occupants du Palais de l'Elysée.

Et, pour ceux à la tête dure qui n'auront pas compris ce que ce martèlement pourrait signifier, ils seront vite rattrapés par la patrouille.

Car, le confinement décidé par le Gouvernement pour lutter contre le Coronavirus (Covid-19) aura aussi une traduction pénale.

Inutile de s'appesantir sur les attestations de "déplacement dérogatoire". Ces attestations, remplies de la main de leurs bénéficiaires, ne manqueront pas de faire naître un sourire à la commissure des lèvres des juristes. En effet, il est bien connu que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même (même si, il est vrai, la Cour de cassation distingue bien l'objet de la preuve selon qu'il s'agit d'un fait ou d'un acte juridique, refusant de faire application de l'adage à la preuve des faits juridiques).

En revanche, quid des amendes annoncées par le Ministre de l'Intérieur et qui seront appliquées à ceux qui ne respecteront pas les mesures de confinement ? Au jour où est commis cet article (17 mars 2020), impossible de savoir précisément ce qu'il en sera (l'arrêté du 14 mars portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, complété par arrêt du 16 mars, est aussi taisant que le Décret du 16 mars dont le seul article 1er renvoie aux deux arrêtés en question). Toutefois, et conformément aux dispositions de l'article 111-2, alinéa 2, du Code pénal, il est certain que le pouvoir réglementaire sera seul compétent pour définir cette nouvelle contravention et en fixer les peines, dans les limites et selon les distinctions établies par la loi. Il s'agira d'appliquer les dispositions de l'article 37 de notre Constitution du 4 octobre 1958.

Risque-ton de voir fleurir un nouveau contentieux de masse qui, à n'en point douter, et dès lors qu'il touche aux libertés individuelles (et dans quelles proportions...), sera investi par les avocats, notamment pénalistes ?

L'indiscipline naturelle des français tend à la penser...

En toute hypothèse, il est certain que les juristes, plus particulièrement les pénalistes, devront s'interroger sur cette nouvelle répression qui se profile. Si sortir Médor vous expose à une amende contraventionnelle, nul doute que les contestations vont être légion (d'ailleurs, selon quelles formes devront-elles être formulées ? Par des requêtes en exonération similaires à ce qui se pratique pour les amendes forfaitaires en matière de droit pénal routier ?).

Reste à compter sur la capacité de discernement des futurs agents verbalisateurs qui, très certainement, inscriront d'abord leurs interventions dans un cadre pédagogique, destiné à rappeler aux contrevenants qu'il est de l'intérêt commun de limiter ses déplacements au strict nécessaire. Ensuite, seulement, et pour ceux qui seront les plus entêtés et égotistes, viendra le temps de la répression.

Maître Xavier MOROZ, Avocat pénaliste, vous conseille et vous assiste.

Mise à jour le 18 mars 2020 (d'un avocat pénaliste désoeuvré qui cherche à s'occuper) : Le voici qui vient d'être publié au Journal officiel : le Décret n°2020-264 du 17 mars 2020 portant création d'une contravention réprimant la violation des mesures destinées à prévenir et limiter les conséquences des menaces sanitaires graves sur la santé de la population.

Jouez hautbois, résonnez musettes !

Bien évidemment, on ne se réjouira pas de l'entrée en vigueur d'un nouveau texte répressif qui vient s'ajouter à la cohorte de ceux qui existent déjà.

Il n'était certes pas attendu comme la première fournée du boulanger (ou, compte-tenu des comportements constatés dans les magasins d'alimentation, les pâtes et autres papiers hygiéniques, devenus, par la grâce de cette crise sanitaire, qui aura fait renaître une fièvre obsidionale que l'on pensait appartenir au passé, des denrées précieuses... Certains mourront peut-être pour s'être exposés inutilement au Coronavirus mais ils passeront l'arme à gauche repus et gisant sur un tapis de papier toilette qui leur tiendra lieu de linceul... ).

Plus d'expectative comme c'était encore le cas jusqu'à hier, 17 mars 2020 : ledit décret entre en vigueur immédiatement (le texte mentionnant expressément sa date d'entrée en vigueur, il n'est nul besoin d'attendre le lendemain de sa publication au Journal officiel ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article 1er du Code civil).

Désormais, la violation des interdictions de se déplacer hors de son domicile, la méconnaissance de l'obligation prévue de se munir du document justifiant d'un déplacement autorisé, ainsi que la violation des mesures encore plus restrictives décidées par le Préfet lorsque les circonstances locales l'exigent, sont punies de l'amende prévue pour les contraventions de quatrième classe.

Le Décret renvoie à celui n°2020-260 du 16 mars 2020 qui définit les mesures de confinement décidées pour lutter contre le Coronavirus (Covid-19).

Pour les rebelles qui ne justifieront pas de la nécessite de se déplacer, ce sera une amende de quatrième classe.

En principe d'un montant de 750 euros (Art. 131-13 du Code pénal), elle sera ici de 135 euros s'agissant d'une amende forfaitaire dont le paiement dans le délai imparti éteindra l'action publique (Article 529 du Code de procédure pénale et R. 49 du Code de procédure pénale).

Et pour ceux qui, rebelles parmi les rebelles (ou plus simplement fauchés comme les blés, voire jean-foutre) ne régleront pas cette amende forfaitaire dans le délai de 45 jours, il se verront gratifiés d'une amende forfaitaire majorée (Article 529-2 du Code de procédure pénale) dont le montant sera de 375 euros (Article R. 49-7 du Code de procédure pénale).

La logique est bien connue qui consiste à dissuader par la crainte du gendarme qui, à l'instar du policier, pourra sanctionner le contrevenant en lui infligeant une amende. 

Cette logique, les automobilistes ne la connaissent que trop bien et les délinquants plus chevronnés la découvrent chaque jour avec les saisies pénales.

Solution triste mais pragmatique...

Alors, s'exposer à une contravention ou braver les interdits ?

Faites vos jeux braves gens !

Une solution pour les plus audacieux : être contaminé pour ne pas avoir respecté les mesures gouvernementales et décéder dans la foulée.

Car, sachez-le, conformément aux dispositions de l'article 6 du Code de procédure pénale, votre mort éteindra l'action publique !

Allez, haut les coeurs !

Cette actualité est associée aux catégories suivantes : Droit pénal