La réouverture de son dossier d'indemnisation d'un préjudice corporel peut-elle être envisagée en raison des progrès techniques réalisés en matière d'appareillages et de prothèses ? Le droit du préjudice corporel au défi des progrès technologiques !
La clôture d'un dossier d'indemnisation, que ce soit à l'amiable, avec l'assureur, ou au terme d'une procédure judicaire contentieuse (devant le tribunal administratif ou le tribunal judiciaire), n'interdit pas à la victime de solliciter un complément d'indemnisation.
Toutefois, elle doit justifier de l'aggravation de son préjudice corporel, c'est-à-dire de la survenance d'un nouveau dommage qui n'était pas connu à la date du règlement du dossier d'indemnisation.
Le principe est bien acquis et le Code civil réserve d'ailleurs expressément cette possibilité.
En effet, il se déduit des dispositions de l'article 2226 du Code civil que la victime d'un préjudice corporel peut solliciter la réouverture de son dossier en aggravation puisque le délai de prescription de 10 ans pour agir ne court qu'à compter de la date de la consolidation de son état.
La demande de complément d'indemnisation peut, comme la demande initiale, se faire tant de façon amiable que judiciaire (même si les assureurs rechignent couramment à rouvrir les dossiers qu'ils estiment achevés... Par surcroît, lorsqu'elle est formulée directement auprès de l'assureur, dans l'hypothèse d'un dommage subi en dehors de l'intervention d'un tiers, il faudra bien vérifier les conditions générales et particulières du contrats pour connaître les conditions de réouverture du dossier pour aggravation).
Il appartient cependant de bien établir que le nouveau dommage subi est en lien certain et direct avec l'origine du préjudice initial (accident de la circulation, agression, erreur médicale, etc.). La réalisation d'une expertise médicale permettra d'établir ce lien tout en permettant le chiffrage de l'aggravation subie.
Une question demeure entière.
Est-il possible de solliciter la réouverture d'un dossier d'indemnisation au motif des progrès réalisés en matière d'appareillage destiné aux personnes handicapées et, notamment, aux personnes amputées ?
En effet, le principe de réparation intégrale du préjudice justifierait que la personne gravement handicapée ou amputée puisse bénéficier du matériel le plus adapté à son état.
Ce qui induit qu'elle puisse bénéficier du dernier matériel mis sur le marché, nécessairement plus adapté pour lui permettre de retrouver la meilleure qualité de vie possible.
Les progrès réalisés, en matière de prothèses particulièrement, sont phénoménaux (jambes bioniques intelligentes, mains prothétiques, genoux électroniques Genium X3, etc.), même s'il faut bien se garder d'un trop grand optimisme sur les avancées à espérer.
La science avance à grands pas, les prouesses technologiques se multiplient, et le droit du préjudice corporel semble à la traîne.
Il conviendrait donc de trouver une solution pour raccrocher les wagons et, ainsi, permettre aux victimes d'un lourd handicap, de profiter de toutes ces prouesses technologiques.
Il semble que, pour le moment, nul ne se soit véritablement aventuré sur ce terrain.
Certainement parce qu'un poste de préjudice prévu par la nomenclature dite Dintilhac peut constituer, au moins en apparence, un obstacle.
Il s'agit des dépenses de santé futures qui sont les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l’état pathologique de la victime après la consolidation. Ils doivent être médicalement prévisibles, répétitifs et rendus nécessaires par l’état pathologique permanent et chronique de la victime après sa consolidation définitive.
Ces frais futurs ne se limitent pas aux frais médicaux au sens strict : ils incluent, en outre, les frais afférents soit à l’installation de prothèses pour les membres, les dents, les oreilles ou les yeux, soit à la pose d’appareillages spécifiques (notamment des orthèses) qui sont nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique permanent qui demeure après la consolidation.
Lorsqu'il est certain ou prévisible que la victime aura besoin d'une prothèse ou de matériels spécifiques, les dépenses de santé futures ont justement vocation à permettre la prise en charge de ces frais d'appareillage.
Il s'agit le plus souvent de frais viagers qui devront être exposés par la victime sa vie durant, avec une périodicité qui sera fixée au cours des opérations d'expertise médicale (il faut donc veiller à ce que l'expert reçoive mission de se prononcer, entre autres, sur le matériel spécifique dont la victime aura besoin en raison de son handicap, sur le coût de ce matériel et sur la fréquence de son renouvellement, en considération de son âge)
L'indemnisation de ce poste de préjudice interviendra généralement avec une capitalisation au jour du premier renouvellement du matériel.
Partant, les dépenses de santé futures sont censées couvrir tous les soins médicaux à venir en prenant en compte la fréquence de renouvellement des matériels.
Toutefois, cette fréquence de renouvellement est fixée en fonction de critères (caractéristiques des matériels et prothèses, mode d'utilisation et situation personnelle de la victime) qui ne prennent pas en considération les progrès techniques réalisés ou à venir.
Bien évidemment, s'il n'est pas envisageable de solliciter l'indemnisation d'un matériel qui n'a pas encore été mis au point (cette dépense n'étant ni certaine ni même prévisible), il n'existe aucun motif de refuser la prise en charge d'un nouveau matériel mis sur le marché et dont la justification médicale est établie.
Finalement, l'indemnisation initiale des dépenses de santé futures ne devrait pas être un obstacle à ce qu'une victime lourdement handicapée ou amputée puisse profiter des progrès techniques en matière d'appareillages.
Toutefois, la demande de réouverture d'un dossier pour ce motif s'avèrera certainement très complexe et nécessitera assurément de s'engager dans une longue bataille.
Maître Xavier MOROZ, Avocat au Barreau de LYON, ayant développé une véritable expertise dans le droit du dommage corporel, et plus particulièrement dans la réparation des graves préjudices corporels (handicaps, amputations, traumatismes crâniens), vous conseille et vous assiste.
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