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Correctionnalisation judiciaire : son principe, ses avantages et inconvénients et sa contestation. Victime ou mis en cause (prévenu ou accusé), ce qu'il faut savoir

Le 28 avril 2023
Correctionnalisation judiciaire : son principe, ses avantages et inconvénients et sa contestation. Victime ou mis en cause (prévenu ou accusé), ce qu'il faut savoir
La correctionnalisation est une pratique judiciaire qui présente des avantages et des inconvénients. Elle peut être contestée pourvu que cette contestation soit formulée dans les termes exigées par la loi et comme l'exige la Cour de cassation.

La correctionnalisation : une fiction juridique qui résulte d'une décision prise en opportunité

Le principe de la correctionnalisation est relativement simple. Un juge d'instruction, saisi de faits de nature criminelle, va ordonner le renvoi de la personne mise en examen non pas devant la Cour d'assises (ou, désormais, la Cour criminelle départementale, compétente pour juger les personnes majeures auteurs d'un crime puni de 15 à 20 ans de réclusion) mais devant le Tribunal correctionnel.

Le crime devient délit : c'est une fiction juridique.

Deux exemples sont généralement donnés. Lorsque le viol (crime) devient agression sexuelle (délit), l'acte de pénétration sexuelle non consenti, qui caractérise le viol, étant mis de côté : un des éléments constitutifs de l'infraction, en l'occurrence, l'élément matériel, est écarté. Lorsque le vol avec arme (ou vol à main armée ou braquage dans le langage courant) devient vol avec violences. L'arme disparaît alors comme par enchantement : la circonstance aggravante de l'usage ou la menace d'une arme est négligée.

Cette disqualification présente plusieurs avantages.

Pourvu toutefois que la victime, généralement la principale intéressée, soit d'accord. La personne mise en examen est également intéressée : les enjeux ne sont pas forcément les mêmes selon que vous êtes jugé devant une Cour d'assise (ou Cour criminelle départementale) ou un Tribunal correctionnel. Ne serait-ce que parce que les peines encourues ne sont pas les mêmes, 10 années d'emprisonnement étant le maximum encourues devant le Tribunal correctionnel (sauf récidive).

Maître Xavier MOROZ, Avocat au Barreau de Lyon et au Barreau de l'Ain (Bourg-en-Bresse), vous assiste et vous conseille.

La correctionnalisation : avantages et inconvénients 

La correctionnalisation, comme toute chose, présente des avantages et des inconvénients.

Premier avantage, la personne mise en examen renvoyée devant le Tribunal correctionnel sera généralement jugée plus vite. Si elle est mise en accusation, c'est-à-dire renvoyée devant la Cour d'assises ou la Cour criminelle départementale, le délai de jugement peut être vraiment long (en raison, principalement, de l'engorgement des Cours d'assises). Cette célérité bénéficie tant à la victime, qui veut voir sa qualité de victime reconnue et l'auteur des faits répondre de ses actes, qu'à la personne mise en cause (prévenu, en l'occurrence, et non accusée) qui peut se projeter dans l'avenir et envisager les suites d'une condamnation, notamment pour un aménagement de peine (possible uniquement lorsque la condamnation est devenue définitive).

Second avantage (mais pas forcément pour les deux parties), les juges du tribunal correctionnel sont des magistrats professionnels. Il est donc permis d'espérer que l'aléa judiciaire sera moindre : en principe, des professionnels, qui jugent également en droit, sont moins sujets à l'émotion que des jurés non professionnels avec lesquels le risque peut être plus grand d'obtenir une décision surprenante. A moins que ce soit justement ce que recherche l'auteur du crime.

Au nombre des inconvénients, cette torsion de la réalité peut être mal vécue par la victime, laquelle peut avoir le sentiment que les souffrances qu'elle a endurées, la gravité des faits qu'elle a subis, ne sont pas pris en considération. Un sentiment d'injustice peut alors poindre.

Maître Xavier MOROZ, Avocat au Barreau de Lyon et au Barreau de l'Ain (Bourg-en-Bresse), vous assiste et vous conseille.

La correctionnalisation : une décision qui peut être contestée

Une correctionnalisation n'est pas rédhibitoire. 

Au stade de l'instruction, devant le magistrat instructeur, lorsque les parties sont invitées à formuler des observations, la partie civile peut expressément faire savoir qu'elle s'opposera à toute correctionnalisation, souhaitant que la personne mise en examen soit jugée par la Cour d'assises ou la Cour criminelle départementale.

Ce qui lui garantit un jugement des faits sous la bonne qualification pénale (sauf à ce que la Cour d'assises ou la Cour criminelle départementale juge à leur tour ne pas être saisie d'un crime mais d'un délit : mais c'est encore une autre histoire...).

En application de l'article 469 du Code de procédure pénale, saisi de faits qui peuvent recevoir une qualification criminelle, le Tribunal doit renvoyer le dossier au procureur de la République qui le renverra à son tour au juge d'instruction pour que la bonne qualification soit retenue et que l'affaire soit renvoyée devant la Cour d'assises ou la Cour criminelle départementale.

Toutefois, sauf s'il s'agit d'un délit non intentionnel, saisi par le juge d'instruction (ou la Chambre de l'instruction) de faits criminels correctionnalisés, le Tribunal correctionnel ne peut procéder ainsi si la victime s'était constituée partie civile et était assistée d'un avocat. Il appartenait à la partie civile, conseillée par son avocat, de faire valoir devant le juge d'instruction son refus d'une correctionnalisation. Le rôle de conseil de l'avocat est alors essentiel.

Par ailleurs, l'ordonnance rendue par le Juge d'instruction qui procède à une correctionnalisation peut faire l'objet d'un appel de l'ensemble des parties (procureur de la République, partie civile ou personne mise en examen). Attention toutefois car cet appel est encadré par un strict formalisme énoncé par l'article 186-3 du Code de procédure pénale. Si les formes exigées par la loi (et la Chambre criminelle de la Cour de cassation, particulièrement pointilleuse, comme le démontre son dernier arrêt du 14 mars 2023, n°22-87.286) ne sont pas respectées, l'appel sera déclaré irrecevable. Encore une fois, l'assistance et les conseils d'un avocat pénaliste sont précieux.

Enfin, la création des Cours criminelles départementales a également vocation à éviter les correctionnalisations de pure opportunité destinées, par pragmatisme, à soulager les Cours d'assises qui croulent sous les dossiers. 

Maître Xavier MOROZ, Avocat au Barreau de Lyon et au Barreau de l'Ain (Bourg-en-Bresse), vous assiste et vous conseille.

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